Le 19 février 2015 sera la date de la première diffusion en France du film très attendu Totem du Loup, adaptation d’un roman chinois de Jiang Rong ( dont le vrai nom Liu Jiamin), en 2004 en Chine, véritable best-seller vendu à 20 millions d’exemplaires à ce jour. Près de 24 pays ont acheté les droits d’adaptation. Le livre raconte l’histoire d’un étudiant pékinois envoyé en Mongolie intérieure pendant la révolution culturelle commencée en 1966 aujourd’hui considérée comme une « catastrophe nationale » par les autorités nationales chinoises. Pendant 3 ans le pays plongea dans le chaos. Le jeune homme découvre la civilisation nomade des steppes et son rapport au Loup, l’emblème d’une société d’un autre monde et d’un autre temps pour ce citadin déraciné et transplanté par la seule volonté politique des maîtres de la révolution culturelle chinoise. Une histoire où la relation de l’homme et l’animal est au centre, une histoire, pourrait-on dire« faîte » pour Jean-Jacques Annaud.. Les chinois n’ont pas lésiné sur les moyens pour réaliser ce film avec ce cinéaste français. Espérons que ce film sera à la hauteur de l’attente.
Comme tous les auteurs chinois, Jiang Rong est un écrivain qui a pris le temps d’écrire ce roman qui nécessite plusieurs niveaux de lecture. Dans ce roman à succès médiatisé grâce à de nombreuses pubs à travers le pays et le monde d’entreprises, les chinois cherchent maladroitement à apprendre les esprits du loup et ses soi-disant stratégies que les mongols connaitraient le secret. Les Mongols, peuple de nomades adeptes de l’esprit du loup, seraient parvenus à dominer le monde, alors que les Chinois, peuple de cultivateurs adeptes de l’esprit du mouton, n’ont pas su résister aux invasions étrangères et ont dû subir l’oppression dès le début du XIXe siècle. Naturellement, on pouvait en déduire que si les Chinois parvenaient à s’inspirer de cet « esprit du loup », un avenir radieux s’ouvrirait devant eux. C’est ce que dit le PDG de la société Hai’er, Zhang Ruimin, cité sur la quatrième de couverture : « Après avoir lu Le Totem du loup, j’ai compris qu’il valait la peine d’emprunter beaucoup de manières de combattre utilisées par les loups : ne pas livrer combat sans préparation, savoir choisir le meilleur moment pour frapper, attaquer par surprise… » Certains ont reproché au roman ses erreurs historiques, d’autres y ont vu des relents de nationalisme et même d’un appel au militarisme. Mais, comme le souligne Pascale Nivelle dans un article paru dans Libération à la sortie de la traduction en France en 2007, la plus grande surprise est venue de l’intérêt que les milieux économiques ont porté à ce roman qui est devenu selon elle “la bible des libéraux chinois”.
Dans cette “bible des libéraux chinois” comme dans de nombreux écrits imaginaires des historiens et des romanciers européens, les Mongols seraient un peuple guerrier maitrisant la stratégie du loup qui aurait été servis pour conquérir le monde. Si le mode de vie des mongols nomades même à l’heure actuelle perdure et résiste à la modernité, c’est que ce sont des descendants d’un peuple respectueux à la nature et à toute forme d’hostilité du pouvoir et de la civilisation. Tout comme la construction des grandes murailles que les historiens du monde entier expliquent comme étant construit pour se protéger des guerriers mongols, il s’agit d’une énième tentative de leur interprétation dont le but est de justifier la forme du pouvoir chinois sur son peuple et de l’exploitation millénaire de ses paysans qui ne demandent rien d’autre que la libérté de vivre tranquille.
Les murailles ne sont pas elles construites afin d’empêcher les paysans chinois de fuir vers le Nord pour vivre la liberté des nomades mongols?
Espérons que ce ne serait pas qu’un simple film animalier et que Jean Jacques Annaud est un réalisateur qui a pris le temps de connaitre la particularité de la littérature chinoise. D’après plusieurs sources, il aurait passé un accord avec la production qui a financé ce film de ne rien faire apparaitre le sens politique de ce roman qui est pourtant le coeur même de cette épopée.
Chimegmaa ORSOO
Je viens d’aller le voir, et cela donne vraiment très envie de fouler les steppes mongoles, et éprouver la liberté des nomades.